Savoir tenir un ménage en temps de crise

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par Elisabeth Willi, enseignante d’économie familiale et psychologue

(5 février 2021)  Même dans la Suisse prospère, les gens peuvent se retrouver au chômage de manière inattendue pour cause notamment de fermeture d'entreprise ou de maladie. Les crises précédentes et aujourd'hui la crise de la covid-19 laissent de nombreuses traces. Sans que ce soit leur faute, les ménages n’ont plus suffisamment de revenus pour couvrir les dépenses; les factures ne peuvent plus être payées et le budget familial est déséquilibré. Les coups du sort, tels que les séparations ou les décès, se soldent souvent par une perte de revenus.

Mais même en ces temps difficiles, il est toujours possible de prendre l'initiative pour assurer ses moyens de subsistance. De nombreuses personnes peuvent faire beaucoup plus par elles-mêmes qu'elles ne le pensent, en effectuant des travaux manuels, en fabriquant des produits utiles ou en effectuant de petites réparations. Beaucoup de choses que l’on faisait autrefois soi-même ont été oubliées, sont restées sans suite ou n’ont pas (encore) été apprises.

Les activités artisanales peuvent être une source de dépaysement, un enrichissement non seulement pour les chômeurs ou les personnes concernées par le chômage partiel, mais aussi pour la population active. Les enfants s’enrichissent en observant et participant aux activités que font les personnes plus âgées de leur entourage pendant leur temps libre. Ce peuvent être des modèles fort importants, notamment quand l’avenir professionnel de nombreux jeunes est de moins en moins assuré. Voir ses parents bricoler, coudre, jardiner, cuisiner, réparer ou rénover des objets utiles avec joie, travailler avec leurs mains en invitant les enfants à les aider et en les guidant de manière adaptée à leur âge, c'est une excellente prophylaxie pour des phases difficiles à l’avenir. Le travail pratique est toujours synonyme de travail mental, il offre un sentiment de satisfaction non seulement dans les situations de vie difficiles.

Un ami m'a à plusieurs reprises parlé de son grand-père et de comment lui-même a, enfant et adolescent, énormément appris en l’aidant à marteler, à clouer et à peindre divers objets. Son grand-papa était patient tout en s'assurant que le travail était bien fait. Après l’effort, ils chauffaient souvent des saucisses sur un vieux poêle. Cette relation humaine et l’atmosphère d’union et de compréhension mutuelle l’accompagnant sont aujourd'hui encore une base solide pour ses contacts avec autrui. Il est capable d'imaginer et de réaliser en collaboration avec des amis et des artisans de nombreuses activités pratiques qui lui donnent du plaisir et lui permettent de réduire ses dépenses.

L'un de nos voisins rénove sa maison avec passion depuis plusieurs années. Au début, nous avons pu observer comment il rangeait toujours soigneusement tous ses outils, car son fils, alors âgé d’environ deux ans, voulait absolument participer au travail – qui était, à cette époque-là, encore trop risqué pour lui.

De nombreux lecteurs auraient certainement des exemples similaires à ajouter. C’est un grand avantage de pouvoir acquérir des savoir-faire et des connaissances dans sa jeunesse. Ainsi, on pourra en profiter en cas de besoin dans des situations d’urgence.

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Voici encore un exemple vécu lors de mon activité en tant qu’enseignantes d'économie familiale. Lorsqu’en 1999, la première guerre d'agression de l'OTAN sur le sol européen fut lancée, il était clair que cela allait changer nos vies dans les années à venir. Comme aujourd'hui, nous risquions d'être confrontés à une crise d'approvisionnement. A l'époque, avec deux autres enseignantes d'économie familiale expérimentées, nous avons proposé un cours de cuisine de base destiné principalement à des femmes – un homme était également présent – n’ayant pas eu l'occasion d'être initiées aux bases de la cuisine, ni dans leur famille ni au cours de leur formation. La plupart des participantes avaient un diplôme universitaire, étaient bien établies dans leur profession, avaient auparavant fait leurs expériences de la vie en colocation, mais ressentaient néanmoins un besoin évident de rattrapage dans la gestion du ménage. Par la suite, nous avions ajouté des cours d'une journée sur la conservation de fruits et de légumes.

Aujourd'hui, bien des années plus tard, certaines des anciennes participantes sont bien installées avec famille et enfants dans une maison avec jardin. Lors de rencontres, j’ai souvent eu le plaisir d’observer comment ces personnes se sont épanouies pour devenir des ménagères compétentes. Elles n'avaient pas eu l’occasion de développer leurs aptitudes auprès de leurs mères, cependant, elles l’ont fait à l'âge adulte. Aujourd'hui, elles sont de bons modèles pour leurs enfants.

Au printemps 2020, lors du premier confinement, de nombreuses familles et de nombreux couples ont recommencé à faire leur propre pain et leurs propres pâtisseries. Il existe d'innombrables menus savoureux à préparer à partir de simples aliments de base qui sont nettement plus savoureux et plus sains que les plats précuisinés achetés au supermarché. En alliant les traditions anciennes avec la nouveauté, on aura toujours de quoi se réjouir de ses succès.

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