«La mémoire de l'humanité»

La mémoire de l'humanité
pour les souffrances endurées est étonnamment courte.
Son imagination pour les souffrances à venir
est encore presque plus faible.

Les descriptions
que le New Yorkais a obtenu
des horreurs de la bombe atomique,
ne l'ont apparemment que peu effrayé.

Le Hambourgeois est toujours entouré de ruines,
et pourtant il hésite
à lever la main contre une nouvelle guerre.
Les horreurs mondiales des années quarante semblent oubliées.
La pluie d'hier ne nous mouille pas, dit-on.

C'est cet engourdissement
que nous devons combattre,
son degré extrême est la mort.
Trop de gens nous semblent déjà morts à ce jour,
comme des gens qui ont déjà derrière eux,
ce qu'ils ont devant eux, tant ils en font peu là-contre.

Et pourtant, rien ne me convaincra
qu’il est sans espoir
de soutenir la raison contre ses ennemis.
Répétons sans cesse ce qui a été dit mille fois,
car chaque nouvelle fois n’est pas de trop!

Réitérons les avertissements,
même s’ils sont déjà comme des cendres dans notre bouche!
Car l'humanité est menacée par des guerres,
en comparaison desquelles celles du passé sont de pauvres tentatives,
et elles viendront sans aucun doute,
si ceux qui les préparent au grand jour ne se font pas briser les mains.

par Bertold Brecht
lors du Congrès des peuples pour la paix,
décembre 1952, Vienne

Source: «Das Gedächtnis der Menschheit», aus: Bertolt Brecht, Werke.
Grosse kommentierte Berliner und Frankfurter Ausgabe, Band 12: Gedichte 2.
© Bertolt-Brecht-Erben/Suhrkamp Verlag 1988.

(Traduction «Point de vue Suisse»)

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