«La vie a un sens profond et sa protection est donc une priorité absolue»

Martin Korden (photo
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hörfunkarbeit.de)

Au sujet du débat sur l’euthanasie

par Martin Korden,* Bonn, Allemagne

(13 juillet 2021) réd. Dans la dévotion matinale présentée ci-dessous, le théologien allemand Martin Korden décrit en quelques mots les conséquences de grande envergure du débat sur l'euthanasie.

Il y a un peu plus d'un an, notre pays a été soudainement confronté à la covid-19.

C'est sans doute la raison pour laquelle un arrêt de la Cour constitutionnelle fédérale, rendu fin février 2020, est passé largement inaperçu – bien que des politiciens, des médecins et des membres du Conseil d'éthique ont parlé à l'époque d'un tournant dans la culture juridique de notre pays. Il s'agissait de la décision de lever l'interdiction de l'assistance organisée au suicide.

Le grand public n'a probablement pris conscience de ce dont il s'agit réellement qu'à travers le drame intitulé «Dieu» de Ferdinand von Schirach – le film a été diffusé à la télévision fin novembre et traitait précisément de cette question: un homme de 78 ans est littéralement fatigué de la vie après la mort de sa femme et veut donc se faire administrer une drogue létale.

Pourquoi pas? Lors du vote qui a suivi, 71 % des téléspectateurs – donc une nette majorité – ont approuvé l'arrêt de la Cour constitutionnelle fédérale, selon lequel toute personne a le droit à une assistance au suicide – indépendamment qu'elle soit malade ou en bonne santé, qu'elle soit âgée ou jeune, car cela fait partie de son droit à l'autodétermination.

Et cela semble être en quelque sorte plausible – du moins dans le drame de Schirach, dans lequel un cas possible est finalement présenté de manière personnelle et non pas seulement pensé théoriquement.

L'homme de 78 ans ne voit plus l'intérêt d'une vie sans sa femme, et ne veut pas non plus être dépendant d'une aide à un moment donné, «bavant et relié à des tuyaux», comme le dit le film.

Ces déclarations sont accompagnées par des experts qui expliquent que, sans aide professionnelle, les personnes suicidaires sont obligées de choisir des méthodes brutales qui sont encore plus stressantes pour leurs proches et qui tournent souvent mal avec de graves conséquences. Et puis, vers la fin, il y a encore l'évêque catholique, à qui Schirach fait réciter des thèses du Moyen Age.

Des associations médicales et le président de longue date du Conseil d'éthique, Peter Dabrock, se sont plaints que M. Schirach a trop facilité la tâche aux spectateurs. Les nombreuses initiatives s’engageant à aider les patients fatigués de la vie tout comme les possibilités croissantes de la médecine palliative ont été évincées.

Mais il faut avant tout mentionner ici un point spécifique que même la Cour constitutionnelle fédérale, après son jugement, a signalé comme un danger menaçant. A savoir, que le suicide pourrait devenir une normalité acceptée dans notre société. Car les personnes de plus en plus âgées se trouvant dans des situations de soins coûteux pourraient se voir presque forcée, selon les personnes qui l'entourent, à accepter l'offre d'une assistance au suicide alors établie.

Qui n'a pas entendu la phrase d'une personne âgée disant qu'elle ne veut être un fardeau pour personne. Et les chiffres des pays du Benelux, où le suicide assisté est établi depuis près de 20 ans, parlent un langage plus clair que celui du film.

Le nombre de cas ne cesse d'augmenter, et ces dernières années, il a même connu une forte hausse, notamment chez les personnes âgées. Il y a longtemps qu'il n'est plus possible de parler de premiers cas isolés.

Le drame de Schirach s'intitule «Dieu» et demande en sous-titre: a qui appartient notre vie? Je suis conscient que la croyance en un Dieu créateur ne peut plus compter comme argument dans une société sécularisée.

Mais l'image de l'homme qui en résulte le fait: l'homme ne vit pas pour seul. Il est toujours aussi en relation avec ses semblables. La vision chrétienne de l'homme vit de la solidarité mutuelle.

Malgré toute l'autodétermination, on ne peut jamais ignorer ses proches. Ceux qui souffriront toute leur vie du suicide d’une personne bien aimée. Mais aussi comme ceux qui doivent garder un œil sur leur prochain dans une crise de vie. Tout suicide n'est-il pas aussi un appel au secours?

Le fait que la vie est précieuse en soi, qu'elle a un sens profond et que la protection de la vie est donc une priorité absolue, cela a toujours été considéré comme le fondement juridique de notre société – ce fondement est maintenant devenu une pente glissante.

(Diffusé en tant que dévotion matinale sur Deutschlandfunk le 24/3/2021)

Source: https://www.katholische-hörfunkarbeit.de/?id=3521

(Traduction «Point de vue Suisse»)

* Martin Korden est le représentant de la Conférence épiscopale allemande pour Deutschlandradio. m.korden@dbkradio.de

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