Le WEF, où il est surtout question d'argent et de pouvoir ...

Christian Müller
(Photo infosperber)

par Christian Müller*

(11 juin 2022) Sic transit gloria mundi: c'est ainsi que se dégrade la splendeur du monde! Le WEF, autrefois une plateforme internationale pleine d'espoir, où des politiciens de haut rang et des managers économiques influents pouvaient se rencontrer et s'exprimer sur un sol suisse et neutre. Le WEF, aujourd'hui une manifestation de propagande économique néolibérale qui cherche, notamment aux frais de la Suisse, une mondialisation régie par l'Occident et qui exclut tout simplement les pays non dociles. Une tragédie géopolitique.

Klaus Schwab, né en 1938 à Ravensburg en Allemagne d'une mère suisse et d'un père allemand, et formé jusqu'en 1965 à l'Ecole polytechnique fédérale de Zurich (EPFZ) en tant que technicien en construction mécanique et docteur en sciences naturelles, a toujours été intéressé, comme le décrit Wikipedia,1 par la simplification de la coopération économique au-delà des frontières nationales. Cela peut tout à fait être qualifié d'idéalisme, si l'on croit que la mondialisation ne sert pas seulement les riches de ce monde, mais aussi les pauvres.

Selon Wikipedia,2 le «European Management Forum» fondé par Klaus Schwab en 1971 «est rebaptisé ‹World Economic Forum› en 1987. Son objectif est d’élargir encore son rayonnement et de proposer une tribune pour résoudre les conflits internationaux. Les responsables politiques considèrent la manifestation de Davos comme une plateforme neutre susceptible de les aider à aplanir leurs différends. En 1988, la Grèce et la Turquie signent la ‹Déclaration de Davos›, éloignant ainsi le spectre d’une guerre qui semblait imminente. Lors de la Réunion annuelle de Davos en 1992, le président sud-africain Frederik de Klerk, Nelson Mandela et le chef zoulou Mangosuthu Buthelezi se rencontrent pour la première fois à l’étranger. En 1994, le ministre israélien des Affaires étrangères Shimon Peres et le chef de l’OLP Yasser Arafat concluent un projet d’accord sur Gaza et Jéricho. En 2008, Bill Gates tient un discours sur le ‹Creative Capitalism›, une forme de capitalisme qui vise tant à générer des bénéfices qu’à résoudre les injustices dans le monde et qui exploite les forces du marché pour répondre aux besoins des plus démunis.» (Fin de citation Wikipedia)

En 1989, deux ans seulement après la création formelle du WEF – mais avant la chute du mur de Berlin en novembre –, j'ai eu l'occasion, en tant que responsable des médias au sein de l'entreprise médiatique Ringier, de rencontrer personnellement Klaus Schwab dans son bureau de Cologny/Genève. Nous avions dans l'idée de publier un magazine sur le WEF. La discussion a été ouverte et intéressante, même si elle est restée sans suite concrète.

Depuis, le WEF s'est surtout transformé en «machine à fric», comme le rapporte le «Süddeutsche Zeitung»:3

«Le chiffre d'affaires s'élève aujourd'hui à environ 200 millions d'euros. Le forum est principalement financé par les montants versés par les
entreprises membres et les sponsors. Il y a 120 partenaires stratégiques, parmi lesquels la
Deutsche Bank, la Deutsche Post, Audi, Henkel, Burda, Allianz, et la liste d'attente est longue. La cotisation annuelle minimale a été augmentée d'un cinquième il y a deux ans pour atteindre 600 000 francs. [...] Le peu modeste slogan permanent du forum est: ‹Améliorer l'état du monde›. Cela permet apparemment de bien vivre, mais il est géré comme une entreprise familiale. Le fondateur Klaus Schwab, qui perçoit un salaire d'environ un million de francs suisses par an et dispose de contacts dans le monde entier, et sa femme Hilde tiennent fermement les rênes.»

Et comme l'a critiqué à juste titre Kurt Marti en février 2021 sur «Infosperber.ch»,4 les dépenses de la Suisse pour la protection policière et militaire du WEF à Davos ont également augmenté pour atteindre plus de 40 millions de francs suisses par manifestation. Les critiques politiques à l’encontre du WEF, rendez-vous annuel des «élites» mondiales, se sont elles aussi nettement intensifiées, surtout du côté de la gauche. Qui peut en effet se permettre de débourser 50 000 francs suisses rien que pour une entrée en tant qu'invité au WEF? Et cela sans compter tous les frais consécutifs pour l'hébergement et la restauration ainsi que pour les contacts espérés?

... un clou dans le cercueil du WEF

Aujourd'hui, Klaus Schwab a lui-même mis un premier clou dans le cercueil du WEF. Alors qu'il pouvait jusqu'à présent se vanter de faire du WEF une «plateforme pour la résolution des conflits internationaux» – voir plus haut –, en décidant d'exclure la Russie d'une participation au WEF 2022, il a avoué publiquement ce qui lui importe aujourd'hui: l'argent des riches (occidentaux) et le pouvoir des grandes puissances (occidentales).

Et comment la Suisse «officielle» réagit-elle à cela? Pas moins de six des sept membres du Conseil fédéral suisse,5 dont Simonetta Sommaruga et Alain Berset les deux du PS, jusque-là critique envers le WEF, se sont précipités à Davos pour rendre hommage aux personnalités internationales représentantes de l'argent et du pouvoir. La palme revient à la ministre de la Défense Viola Amherd, du parti du Centre: elle a rencontré 24 mai 2022, le secrétaire général de l'OTAN Jens Stoltenberg au WEF de Davos et lui a fait savoir que la Suisse souhaitait se rapprocher de l'OTAN.6

On se passe de commentaires. Il reste à espérer qu'à l'avenir, de nombreux pays de notre monde se soustrairont au WEF, après que celui-ci soit passé de médiateur de conflits internationaux à soutien ouvert des prétentions hégémoniques mondiales des Etats-Unis et de l'OTAN, qui se trouve sous commandement américain.

Sic transit gloria mundi. Ainsi se dégrade la gloire du monde. Même au WEF de Davos.

* Christian Müller, né en 1944, a étudié l'histoire générale et le droit public à l'Université de Zurich et a obtenu le titre de docteur en philosophie avec une thèse sur un thème socio-historique de la période 1890–1914. Il n'a cependant pas choisi ensuite une carrière académique, mais celle de journaliste et de rédacteur à tous les niveaux de la hiérarchie professionnelle jusqu'au poste de rédacteur en chef d'un grand quotidien suisse (à l'époque). En tant que journaliste, il a voyagé dans plus de 50 pays – de la Nouvelle-Zélande au sud-est à l'Alaska au nord-ouest – en portant à chaque fois un regard particulier sur les particularités culturelles des pays visités et sur leurs conditions sociales. En 1989, Christian Müller est passé de la rédaction à la gestion des médias, a été pendant plusieurs années CEO de la plus grande entreprise de médias à Prague et s'est ensuite mis à son compte comme consultant en médias. Depuis 2009, il travaille à nouveau exclusivement comme journaliste indépendant, avec un regard particulier sur les tensions Ouest-Est et sur d'autres thèmes géopolitiques. Il est à l'origine du site web Globalbridge.

Source: https://globalbridge.ch/das-wef-wo-es-vor-allem-um-geld-geht/, 24 mai 2022
Reproduction avec l'aimable autorisation de l'auteur.

(Traduction «Point de vue Suisse»)

1 https://de.wikipedia.org/wiki/Klaus_Schwab

2 https://fr.wikipedia.org/wiki/Forum_économique_mondial

3 https://www.sueddeutsche.de/wirtschaft/davos-das-weltwirtschaftsforum-ist-zu-einer-geldmaschine-geworden-1.3334817#:~:text=Gr%C3%BCnder%20Klaus%20Schwab%2C%20qui%20en,F%C3%A4den%20fest%20dans%20la%20main

4 https://www.infosperber.ch/wirtschaft/subventionen-wef-entscheidet-bund-zahlt/

5 https://www.admin.ch/gov/de/start/dokumentation/medienmitteilungen.msg-id-88925.html

6 https://www.srf.ch/audio/echo-der-zeit/die-schweiz-will-enger-mit-der-nato-zusammenarbeiten?partId=12197144

Retour