La Chine à la lumière des principaux médias allemands

Diffuser les stéréotypes coloniaux et créer une image adverse

Rapport de la rédaction de «German Foreign Policy»

(18 novembre 2021) Une étude récente présente un bilan désastreux de la couverture de la Chine par les principaux médias allemands. Selon une analyse approfondie présentée par la «Fondation Rosa Luxemburg» (Die Linke), les reportages prédominants sur la Chine sont «caractérisés par une utilisation accrue de clichés et de stéréotypes, dont certains remontent à l'époque coloniale».

Les «connotations négatives» se retrouvent «dans presque tous les sujets»; surtout, «l'influence de la thèse ravivée aux Etats-Unis» selon laquelle la Chine représente une menace «non seulement pour la prétention des Etats-Unis au leadership, mais pour le monde entier» est prépondérante.

Le ton est largement donné par des voix occidentales et pro-occidentales; «trois militants de Hong Kong» et Chris Patten, le dernier gouverneur de la colonie de la Couronne britannique, servent de «leaders d'opinion à Hong Kong». L'étude confirme une analyse antérieure de la Fondation Heinrich Böll (Bündnis 90/Die Grünen), qui avait déjà constaté en 2010 que les principaux médias allemands promouvaient une «image dénonciatrice de la société chinoise».

«Une mission au lieu d'informations»

En 2010, la Fondation Heinrich Böll a réalisé une analyse complète des rapports allemands sur la Chine. Elle est parvenue à la conclusion – en évaluant six grands médias imprimés ainsi que la télévision publique, y compris la Tagesschau – que la représentation de la République populaire de Chine en Allemagne est dominée par un «projet central» sensiblement déterminé par une «perspective eurocentrique». Le plus souvent, «les informations critiques sont mises de côté au profit d'une sorte de mission».

Trop souvent, «certaines idées et certains clichés sur le pays, qui sont manifestement inhérents à la société, sont propagés sans réflexion», avec des «images normativement péjoratives» qui façonnent le discours1 On doit parler d'une «diffusion continue des stéréotypes existants par les médias», «qui sont davantage orientés vers des symboles et des platitudes socialement ancrés» que vers une vision différenciée de la réalité chinoise. Il y a un «danger que ces stéréotypes, qui sont généralement extrêmement simplifiés et abrégés, deviennent ancrés dans le public allemand en raison de la quantité de rapports qui diffusent ces impressions». Cela promeut une «image très cliché et par endroits dénonciatrice de la société chinoise».«Pas sur un pied d'égalité»

Une étude récente et très détaillée sur les reportages allemands concernant la Chine vient d'être présentée par la Fondation Rosa Luxemburg. L'étude analyse sept grands médias imprimés et se concentre sur la période allant de janvier à août 2020, lorsque la couverture médiatique a été fortement influencée par la pandémie de la covid-19. Elle arrive à des conclusions similaires à celles de la Fondation Heinrich Böll, onze ans plus tôt.

Selon l'étude, la représentation de la République populaire dans les principaux médias allemands est «caractérisée par une utilisation accrue de clichés et de stéréotypes, dont certains remontent à l'époque coloniale». Le ressentiment raciste est «majoritairement rejeté», mais «subtilement intégré à d'autres clichés» – par exemple, dans la «connotation de l’aspect ‹dégoûtant› […] de manger des animaux sauvages».2

L’objectif des sujets, en revanche, est, selon l'étude, «globalement peu différencié et, de plus, majoritairement déterminé par la perspective des intérêts allemands». Il existe «une ‹mesure› quasi systématique de la Chine par rapport aux valeurs allemandes, européennes et occidentales», qui met l'accent sur «le contraste entre ‹nous› et ‹la Chine› comme ‹l'autre›». Dans de nombreux cas, «‹l'autre› est alors présenté comme n'étant pas de rang égal». Cela conduit «à la perpétuation des clichés et des peurs».

«Scénarios de menaces issus de contextes coloniaux»

En somme, note la Fondation Rosa Luxemburg, «les remarques à connotation négative […] se retrouvent dans presque tous les sujets, mais surtout en ce qui concerne la caractérisation de la politique intérieure et étrangère chinoise». «La complexité historique et actuelle des conflits» préoccupant la politique chinoise n’est que rarement abordée. L'étude étaye le caractère unilatéral des reportages en soulignant que 88,4% de toutes les contributions sur la politique intérieure chinoise étaient «critiques» ou «très critiques» dans leur évaluation; les «contributions neutres» – 9,4% seulement – se référaient «principalement à des événements concrets», tels que le report du Congrès national du peuple, tandis qu'il n'y avait que quatre contributions «dans lesquelles la pratique courante consistant à ‹mesurer› le système politique et social de la Chine par rapport à celui de l'Occident n'est pas observée», mais dans lesquelles le pays se voit «attribuer une valeur intrinsèque, compte tenu de son contexte culturel et de sa réalité sociale». La plupart du temps, «l'influence de la thèse ravivée aux Etats-Unis» selon laquelle la Chine est une menace «non seulement pour la prétention des Etats-Unis au leadership, mais pour le monde entier» est apparente. Dans ce processus, «les scénarios de menace issus des contextes coloniaux et anticommunistes sont clairement ravivés».

Le gouverneur colonial en tant que leader d'opinion

L'étude de la Fondation Rosa Luxemburg souligne notamment que les hommes politiques occidentaux ainsi que les spécialistes des groupes de réflexion occidentaux sont souvent cités comme donnant le ton; les déclarations des hommes politiques chinois sont «généralement neutralisées par celles des acteurs allemands». Par conséquent, seuls les opposants déclarés à la politique du gouvernement chinois sont pris en compte au nom de la «société civile» chinoise.

«Trois militants de Hong Kong» – et à part eux surtout Chris Patten, le dernier gouverneur de la colonie britannique de Hong Kong – ont fait office de «faiseurs d'opinion au sujet de Hong Kong». La considération «dominante» est accordée au personnel de quatre groupes de réflexion, dont le German Marshall Fund of the United States (GMF) et le Mercator Institute for China Studies (MERICS). Le GMF est l'un des groupes de réflexion transatlantiques les plus influents. Le conseil d'administration de MERICS comprend Sebastian Groth, chef de l'état-major de planification au ministère fédéral des Affaires étrangères, et Thomas Bagger, chef de la politique étrangère au bureau du président fédéral. Bagger a récemment accompagné le travail d'un groupe d'experts qui a présenté un document stratégique pour une politique étrangère allemande plus agressive et plus risquée. Le projet a été financé par la Fondation Mercator.3

L'attitude des élites

En ce qui concerne les conséquences des reportages allemands unilatéraux et chargés de clichés sur la Chine, partiellement caractérisés par des stéréotypes coloniaux, la Fondation Rosa Luxemburg prédit: «La poursuite du récit médiatique et l'approfondissement de l'image adverse de la Chine avec [...] des facettes unidimensionnelles et eurocentriques renforceront l'attitude sceptique et défavorable déjà visible à l'égard de la Chine [...] en particulier au sein de l'élite intellectuelle et politique.»

Source: https://www.german-foreign-policy.com/news/detail/8741/

(Traduction «Point de vue Suisse»)

1 Carola Richter, Sebastian Gebauer: Die China-Berichterstattung in den deutschen Medien. Avec des contributions de Thomas Heberer et Kai Hafez. Publié par la Fondation Heinrich Böll. Berlin 2010.

2 Jia Changbao, Mechthild Leutner, Xiao Minxing: La couverture de la Chine dans les médias allemands dans le contexte de la crise de la covid. Etudes de la Fondation Rosa Luxemburg 12/2021. Berlin 2021.

3 Cf. Handlungsempfehlungen an die nächste Bundesregierung (I) et Handlungsempfehlungen an die nächste Bundesregierung (II).

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