Allemagne

«Parfaitement préparée en cas de guerre»

par German Foreign Policy*

(17 mai 2024) Avec une réforme structurelle, le ministre de la Défense Pistorius poursuit l’orientation, entamée en 2014, de la Bundeswehr vers une guerre contre la Russie. Les éléments militaires et civils se confondent de plus en plus.

Les forces armées allemandes orientent leur structure organisationnelle interne vers une guerre contre la Russie. Les militaires espèrent que la réorganisation annoncée par le ministre de la Défense Boris Pistorius au début du mois leur permettra d’obtenir «l’aptitude à la guerre, la capacité de commandement et l’aptitude à la conscription».

Selon Pistorius, l’objectif de la réforme est de «transformer la Bundeswehr» afin qu’elle soit «parfaitement préparée en cas de guerre» – y compris pour un engagement «à grande échelle» contre une grande puissance et un «combat de haute intensité».

La réforme contient trois nouveautés essentielles: des capacités de commandement en Allemagne et à l’étranger seront regroupées dans un commandement central de conduite; les capacités limitées telles que la défense NBC, le service sanitaire ou la logistique seront centralisées dans un commandement d’appui; les forces cyber et d’information seront revalorisées pour devenir la quatrième composante des forces armées. La transformation doit prendre en compte «tous les domaines» de la troupe et, selon Pistorius, être mise en œuvre «dans les six prochains mois». Il s’agit d’assurer «la capacité de montée en puissance, [...] la supériorité en matière d’innovation et l’approvisionnement en temps de guerre»; la «maxime d’action» supérieure reste «l’aptitude à la guerre».

Commandement pour la «plaque tournante»

Afin de pouvoir agir «plus rapidement et plus efficacement» en cas de guerre, la Bundeswehr centralise d’abord ses structures de commandement avec la réforme annoncée de la structure organisationnelle. L’objectif est de regrouper les responsabilités de commandement afin d’«accélérer» les «processus de décision», indique le ministère de la Défense.1 Jusqu’à présent, il existait un commandement pour l’engagement en Allemagne et un autre pour l’engagement à l’étranger: le commandement territorial et le commandement de conduite des opérations. Les deux sont désormais réunis au sein du commandement opérationnel.2 Le nouveau commandement doit alors faire office de «point de contact central» pour «les alliés et les organisations multinationales» d’une part et les services nationaux civils et gouvernementaux d’autre part.3

Cela est considéré comme nécessaire étant donné que la République fédérale prétend être la «plaque tournante» logistique du déploiement transatlantique en direction de la frontière occidentale russe. Sur les itinéraires de marche multinationaux, les troupes traversent régulièrement les frontières et passent ainsi de l’étranger à l’intérieur de l’Allemagne et inversement. Parallèlement, la Bundeswehr s’appuie sur la coopération avec des acteurs civils, en particulier pour faciliter les déplacements multinationaux de troupes à travers l’Allemagne.4

Intégrer la situation intérieur et extérieur du pays

L’inspecteur général de la Bundeswehr, le général Carsten Breuer, espère tout d’abord que le nouveau commandement opérationnel fournira une vue d’ensemble «intégrant» la situation intérieure et extérieure du pays. Parallèlement, les délimitations actuelles s’estompent. Ainsi, les forces de protection du territoire, qui étaient jusqu’à présent subordonnées au commandement territorial et donc structurellement limitées à un engagement sur le territoire national, sont désormais rattachées aux forces terrestres.5 Les forces de protection du territoire sont essentiellement composées de réservistes. Le nouveau commandement centralisé se situe précisément à l’interface entre l’intérieur et l’extérieur d’une part, et la société civile et l’armée d’autre part.

Revalorisation de la conduite de la cyberguerre

Le domaine du cyberespace et de l’information occupe déjà une place centrale dans le nouveau «plan d’opération Allemagne» de la Bundeswehr. Dans ce contexte, la Bundeswehr a indiqué se préparer à des «campagnes de désinformation» et à des «cyber-attaques». L’«adversaire» pourrait notamment tenter d’«influencer les décisions gouvernementales, l’opinion de la population et peut-être aussi les médias».6 Avec la réforme structurelle, les forces cybernétiques et d’information de la Bundeswehr seront revalorisées et deviendront la quatrième force militaire, aux côtés de l’armée de terre, de la marine et de l’armée de l’air.

En 2017, la Bundeswehr avait déjà mis en place son commandement CIR (Cyber- und Informationsraum). L’éventail de ses tâches s’étend de la numérisation de la guerre à la guerre électronique, en passant par l’«analyse des menaces hybrides» telles que les «campagnes de désinformation» et la «garantie de la capacité de commandement» grâce à des communications en réseau protégées contre les écoutes sur le champ de bataille.7 Dans une contribution à la réforme structurelle, le Ministère fédéral de la Défense évoque sur son site Internet des «attaques hybrides de la Russie, également contre l’Allemagne» ayant déjà lieu – toutefois sans informations ou preuves plus détaillées.8 Lors de sa conférence de presse sur la réforme structurelle, Pistorius a souligné qu'il n’avait pas qualifié des députés de l’AfD de «cinquième colonne de Moscou» par hasard, mais avec «discernement».9

Utilisation maximale

Le troisième élément de la réforme est la mise en place d’un nouveau domaine dit de soutien, afin de tenir compte du «défi particulier que représente la répartition de capacités clés limitées». Ainsi, selon Pistorius, les capacités dans le domaine de la police militaire et de la défense NBC «ne sont pas disponibles dans la mesure nécessaire» pour couvrir les besoins de toutes les forces armées. Les «capacités manquantes» regroupées dans le domaine de l’appui peuvent être réparties de manière centralisée par le nouveau commandement opérationnel aux forces armées.10 Le commandement d’appui doit en outre «délester la troupe de manière conséquente» en remplaçant – dans la mesure du possible – les soldats «par des collaborateurs civils».11 L’objectif est d’avoir une structure administrative qui «couvre les arrières» de la troupe.12

Préparer les processus de recrutement

La mise en œuvre de tous les projets de réarmement décidés au cours des dernières années met déjà à rude épreuve les effectifs de la Bundeswehr. Comme le fait savoir l’armée, en cas de guerre, une «grande partie» des soldats réguliers combattra sur le «flanc est» de l’OTAN. Ils ne peuvent donc «pas être pris en compte» pour assurer la sécurité du territoire allemand lui-même.13 Même si la réforme structurelle actuelle ne prévoit pas en soi d’augmentation du personnel de la troupe, elle fait de la «capacité de montée en puissance» un «principe directeur».14 «Nous avons organisé les structures [...] de telle sorte que nous puissions organiser la capacité de montée en puissance – quelle que soit la voie choisie – dans les mois et les années à venir», a fait savoir Pistorius.15 L’augmentation nécessaire du personnel ne peut pas être résolue «uniquement par la question de savoir qui s’engage volontairement dans la Bundeswehr, mais aussi par la question de la conscription et du service obligatoire».16 Dans le cadre de la réforme structurelle, «on a gardé à l’esprit et intégré dans la réflexion l’éventualité d’une réintroduction du service militaire obligatoire – quelle qu’en soit la forme.»17 Le ministère de la Défense confirme que «les processus de recrutement et de sélection» sont «structurellement préparés pour pouvoir mettre en œuvre un service militaire obligatoire.»18 Selon Pistorius, on est en train d’évaluer «différents modèles de service militaire obligatoire» – y compris une éventuelle «modification de la Loi fondamentale». En «cas de guerre», il y aurait «de toute façon» un «service militaire obligatoire immédiat».19

* Le matériel d’information des «Informations sur la politique étrangère allemande» (german-foreign-policy.com) provient de sources accessibles au public, de rapports de correspondants ainsi que d’expertises de scientifiques associés qui étudient le continuum de la politique étrangère allemande sous des aspects particuliers.

Source: https://www.german-foreign-policy.com/news/detail/9545, 30 avril 2024

(Traduction «Point de vue Suisse»)

1 La Bundeswehr à l’heure du changement d’époque: Etre apte à la guerre pour mieux dissuader. bmvg.de, 4 avril 2024. https://www.bmvg.de/de/aktuelles/bundeswehr-der-zeitenwende-kriegstuechtig-sein-um-abzuschrecken-5765386

2 Bundeswehr der Zeitenwende: Minister Pistorius stellt Strukturentscheidung vor. bmvg.de, 4 avril 2024.

3 Bundeswehr der Zeitenwende: Kriegstüchtig sein, um abschrecken zu können. Bmvg.de, 4 avril 2024.

4 Cf. Auf Krieg einstellen (I).

5 Pressekonferenz zur Strukturreform vom 4. April 2024, abrufbar über den Youtubekanal von ZDFheute Nachrichten.

6 Cf. Auf Krieg einstellen (III).

7 Pressekonferenz zur Strukturreform vom 4. April 2024, abrufbar über den Youtubekanal von ZDFheute Nachrichten.

8 Was bedeutet die neue Struktur für die Bundeswehr: Fragen und Antworten. Bmvg.de, 4 avril 2024.

9, 10 Pressekonferenz zur Strukturreform vom 4. April 2024, abrufbar über den Youtubekanal von ZDFheute Nachrichten.

11 Was bedeutet die neue Struktur für die Bundeswehr: Fragen und Antworten. Bmvg.de, 4 avril 2024.

12 Bundeswehr der Zeitenwende: Minister Pistorius stellt Strukturentscheidung vor. Bmvg.de, 4 avril 2024.

13 Cf. Auf Krieg einstellen (IV).

14 Minister verkündet Entscheidung zur neuen Grobstruktur der Streitkräfte. Bmvg.de, 4 avril 2024.

15 Pressekonferenz zur Strukturreform vom 4. April 2024, abrufbar über den Youtubekanal von ZDFheute Nachrichten.

16 Pistorius zur Zukunft der Bundeswehr. Was Nun? Youtubekanal von ZDFheute Nachrichten vom 8 avril 2024.

17 Pressekonferenz zur Strukturreform vom 4. April 2024, abrufbar über den Youtubekanal von ZDFheute Nachrichten.

18 Was bedeutet die neue Struktur für die Bundeswehr: Fragen und Antworten. Bmvg.de, 4 avril 2024.

19 Pressekonferenz zur Strukturreform vom 4. April 2024, abrufbar über den Youtubekanal von ZDFheute Nachrichten.

Retour