Rapport d'expertise de la CIJ sur l'occupation israélienne

Une décision historique

Commentaire de Norman Paech,* Allemagne

(3 août 2024) Ce rapport d'expertise ne devrait surprendre personne. Toute personne au gouvernement, au parlement et dans les médias sait depuis des années que l’occupation israélienne, y compris les colonies, est illégale et qu’elle doit donc se retirer des territoires occupés. Déjà dans son premier avis consultatif de 2004, lorsque la Cour internationale de justice avait déclaré illégale la construction du mur dans la mesure où il empiétait sur le territoire palestinien, elle n’avait laissé aucun doute sur l’illégalité de l’occupation et de la construction des colonies.

Norman Paech.
(Photo wikidata.org)

Mais aujourd’hui, elle est devenue encore plus claire et plus précise sur la base des questions qui lui ont été posées par l’Assemblée générale de l’ONU fin décembre 2022. L’occupation est le produit d’une «discrimination, d’une ségrégation et d’un apartheid systématiques», une «annexion de facto». Le gouvernement doit immédiatement mettre fin à toutes les activités de colonisation et évacuer tous les colons des colonies existantes, et permettre le «retour de tous les Palestiniens expulsés pendant l’occupation à leur lieu de résidence initial». Israël doit verser des indemnités pour tous les dommages subis par toutes les «personnes physiques et morales» du fait de l’occupation. La Cour réitère en outre sa demande de 2004 concernant le démantèlement du mur en territoire israélien.

Le rapport d’expertise ayant été donné avant le 7 octobre 2023, la Cour n’aborde pas la guerre à Gaza et ses conséquences effroyables. Elle déclare toutefois que la bande de Gaza est un territoire occupé de facto par Israël malgré le retrait de l’armée et des colons à l’époque. Selon lui, le contrôle d’Israël sur la bande est déterminant.

Netanyahou a immédiatement qualifié d’«absurde» ce rapport auquel il ne se conformera pas: «Le peuple juif n’est pas un occupant sur sa propre terre, y compris notre capitale éternelle Jérusalem ou en Judée et Samarie, notre patrie historique.» Il devient désormais encore plus difficile pour les plus proches alliés d’Israël, les Etats-Unis et la RFA, de continuer à soutenir cette fiction déconnectée de la réalité et illégale. Car la CIJ a également établi que tous les Etats et organisations internationales, y compris l’Assemblée générale de l’ONU et le Conseil de sécurité, sont tenus de ne pas reconnaître l’occupation comme légale et de ne pas fournir d’aide ou de soutien pour son maintien.

Il leur appartient désormais à tous d’imposer politiquement à Israël ces exigences, pour lesquelles la CIJ a fourni une solide base juridique suprême. Il s’agit avant tout de fermer la petite porte dérobée que le rapport a laissé en exigeant le retrait des territoires occupés uniquement «le plus rapidement possible». La CIJ a mis les Etats dans l’obligation de retirer leur soutien à plus de cinquante ans d’oppression, de vol de terres et d’apartheid en Palestine et d’y mettre fin. Ce n’est ni nouveau ni contraignant, mais c’est une décision historique de la Cour internationale de justice.

Hambourg, le 20 juillet 2024

* Norman Paech, né en 1938, est professeur émérite de sciences politiques et de droit public à l'Université de Hambourg. Il a siégé de 2005 à 2009 au Bundestag allemand.

Source: https://www.norman-paech.de/ Première publication «junge Welt»: https://www.jungewelt.de/artikel/479948.historische-entscheidung.html, 22 juillet 2024

(Traduction «Point de vue Suisse»)

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