Le Conseil des Etats rejette le Pacte mondial sur les migrations

par Ralph Studer*

(18 octobre 2024) (CH-S) Ralph Studer présente pour l’organisation «Future CH» la décision du Conseil des Etats de fin septembre sur la migration. Nous souhaitons reproduire ici le résumé des débats parlementaires en raison de leur importance pour le pays.

Après plus de trois ans, le Conseil des Etats a à nouveau débattu du pacte mondial sur les migrations. A la fin, une nette majorité du Conseil a décidé de ne pas y adhérer. L’affaire passe maintenant au Conseil national, qui prendra la décision finale. Si ce dernier rejette également le pacte, ce qui est assez probable, la Suisse n’y adhérera pas.

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Ralph Studer.
(Photo mad)

Tout vient à point à qui sait attendre. C’est ainsi qu’on pourrait résumer la décision du Conseil des Etats concernant le Pacte de l’ONU sur les migrations. (ci-après «Pacte»)

Pas de contrôle sur l’interprétation du pacte

Les prises de positions des conseillers aux Etats bourgeois Beat Rieder (Le Centre) et Marco Chiesa (UDC) n’ont pas manqué de clarté.1 M. Rieder a résumé la situation en ces termes: «J’ai rarement vu un document aussi éloigné de la réalité, aussi malhonnête et manifestement écrit par des diplomates pour des diplomates. Il est rare de voir dans un pacte de droit souple [«soft law» en anglais] une aussi grande rupture entre la représentation idéale et la terrible réalité – à savoir cette migration – que dans ce document. [...] Que vous nous disiez ensuite, ici, que ce pacte n’est juridiquement pas contraignant, est secondaire. L’interprétation de ces pactes n’est pas seulement le fait du Conseil fédéral et du Parlement, mais aussi des tribunaux, du Tribunal fédéral et de la CEDH, et nous ne sommes pas en mesure de contrôler cette interprétation. C’est pourquoi ce pacte doit tout simplement être rejeté de toute urgence.»

Ce qui est passé sous silence

Ce faisant, M. Rieder aborde également «l’éléphant dans la pièce» que personne ne nomme, à savoir l’évolution démographique en Afrique. «Le thème principal que ce pacte occulte est la démographie. C’est pourquoi presque tous les Etats africains ont pu approuver ce pacte. La croissance démographique, les conséquences politiques de la croissance démographique ont été occultées. [...] Le Nigeria, par exemple, a signé le pacte sur les migrations sans difficulté, mais il a aussi dit pourquoi dans la déclaration finale. Il souhaite une intensification de la migration régulière, mais certainement pas une prise d’influence sur les affaires politiques intérieures du Nigeria. Le Nigeria est le pays d’Afrique qui connaît la plus forte croissance. Il compte actuellement 226 millions d’habitants. En 2040, il y en aura 400 millions. 80% de la population est prête à migrer.»

Des risques considérables pour la Suisse

M. Chiesa n’a pas non plus apprécié le pacte: «Nous savons tous que ce pacte, présenté comme un document non contraignant, comporte des risques extraordinaires pour notre souveraineté nationale, notre sécurité intérieure et notre bien-être social.»

Et M. Chiesa de poursuivre: «Nous savons que ce pacte sera utilisé à l’avenir comme base pour la politique migratoire. Ce pacte sape la disposition centrale de notre Constitution selon laquelle la Suisse doit décider de manière autonome de l’immigration. Confier des décisions aussi importantes à des organes internationaux qui ne connaissent pas ou ne tiennent pas compte de nos spécificités et de nos besoins nationaux constituerait une rupture flagrante avec ce qu’exige notre Constitution. Nous ne pouvons l’accepter. Certains pays, tels les Etats-Unis, la Hongrie, la Pologne, l’Italie, l’Autriche et l’Australie, ont déjà décidé de rejeter ce pacte et de protéger leur souveraineté.»

Toute critique du pacte est malvenue

Chiesa souligne à juste titre la restriction de la liberté d’expression: «L’objectif 17 du pacte, qui exige des campagnes publiques exclusivement positives, limitera le débat critique et empêchera la libre expression d’opinions contraires à la politique migratoire. Cela conduira à une forme de censure, où les critiques légitimes de la politique migratoire seront taxées de discours de haine. Cette forme de pression sur la presse et le débat public est inacceptable dans une démocratie comme la nôtre, qui a fait de la liberté d’expression l’un de ses piliers fondamentaux.»

Le Conseil des Etats suit sa Commission

Avec cette décision de rejet, le Conseil des Etats suit sa Commission consultative. Celle-ci s’était déjà prononcée auparavant contre une adhésion au pacte de l’ONU sur les migrations. Elle était d’avis que la Suisse ne tirerait aucun avantage concret de la ratification du pacte.2 Les intérêts de la politique migratoire seraient mieux servis si la Suisse continuait à s’abstenir lors des votes sur le pacte.

Avenir CH s’est engagé à plusieurs reprises contre le pacte

La Fondation Avenir CH se réjouit de cette décision du Conseil des Etats, elle qui s’est clairement et résolument engagée contre ce pacte par le passé.3 Dans sa prise de position actuelle du 12 septembre 2024, Avenir CH a renouvelé sa position de refus pour les raisons suivantes:

  • Un important engagement de la Suisse et une obligation politique
  • Augmentation de la pression politique lors de la répartition des migrants/réfugiés
  • La critique de la migration est réprimée
  • Le pacte sur les migrations pénalise les travailleurs locaux
  • Les migrations sont une mauvaise incitation et créent de nouveaux problèmes

Quelle est la suite des événements?

L’affaire passe maintenant au Conseil national. Si celui-ci s’y oppose également – ce qui est assez probable – le Conseil fédéral devra transmettre une missive au Secrétaire général de l’ONU,4 l’informant que la Suisse n’adhère définitivement pas au pacte.

* Ralph Studer, né en 1977, est titulaire d'un diplôme d'enseignement et d'une expérience professionnelle au niveau secondaire 1. Il a étudié le droit à l'Université de Bâle et a ensuite obtenu son brevet d'avocat. Depuis mars 2022, il est membre de la rédaction de la Fondation Avenir CH.

Source: https://www.zukunft-ch.ch/staenderat-lehnt-uno-migrationspakt-ab/, 20 septembre 2024

(Traduction «Point de vue Suisse»)

1 https://www.parlament.ch/de/ratsbetrieb/amtliches-bulletin/amtliches-bulletin-die-verhandlungen?SubjectId=65543

2 https://www.parlament.ch/press-releases/Pages/mm-apk-s-2024-06-21.aspx

3 https://www.zukunft-ch.ch/bern-uno-migrationspakt-hat-schweren-stand/

4 https://www.srf.ch/news/schweiz/cassis-wirbt-vergeblich-uno-migrationspakt-staenderat-sagt-nein

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