Quitter la violence et la pauvreté

Luz Nassar a accompli sa formation
de mécanicienne en motocycles dans
une école professionnelle à
Comayagua. (© ProJoven)

par Luca Beti

(15 mars 2021) Le projet de formation professionnelle «ProJoven» au Honduras aide les jeunes défavorisés à entrer dans le monde du travail. Malgré la pandémie de covid-19, il ne cesse de se développer. Et surprend même par sa capacité d’adaptation.

Mirna Mendez a grandi au milieu des moteurs et de l’odeur d’essence. C’est ainsi qu’elle est tombée amoureuse des voitures. Vêtue d’une salopette tâchée d’huile, elle travaille dans un atelier de réparation. De son côté, Francesco Chinchilla a grandi dans la rue jusqu’à ses neuf ans. Il a néanmoins réussi à échapper au sort de nombreux jeunes Honduriens, qui sont recrutés par les «Maras», des gangs criminels. Aujourd’hui, il vend des sandwiches, des nachos et des empanadas. Comme Mirna et Francesco, des milliers d’autres jeunes se sont donné une chance en participant au projet ProJoven, mis en œuvre par l’ONG Swisscontact et financé par la Direction du développement et de la coopération (DDC).

Au Honduras, 64,5% de la population vit en dessous du seuil de pauvreté, 5,7% sont au chômage et la moitié se trouve en situation de sous-emploi. Les jeunes sont les plus touchés. Une situation qui les met à l’écart de la société et les pousse vers le crime organisé. «Avec ProJoven, nous voulons aider les jeunes à sortir du cercle vicieux de la violence et de la pauvreté», explique Olga Tinoco, responsable de projet chez Swisscontact.

Gagner la confiance du secteur privé

Le projet est dans sa deuxième phase, laquelle se terminera à la fin de l’année. De 2013 à 2017, 12’000 jeunes de 18 à 30 ans ont suivi une formation et 4500 sont devenus indépendants ou ont décroché un emploi dans des secteurs qui ont fort besoin de main-d’œuvre, tels que la gastronomie, les services, le tourisme ou la construction. «Le projet vise à améliorer la qualité et la quantité des offres de formation, en collaboration avec des acteurs publics et privés. C’est le seul moyen de répondre adéquatement aux besoins du marché du travail», souligne Angie Murillo Gough, chargée de programme au Bureau de coopération de la DDC au Honduras.

Le succès de ProJoven tient à la collaboration avec de nombreux partenaires. Parmi eux, des ONG, des fondations, des institutions ecclésiastiques, des Chambres du commerce, le ministère du Développement économique ainsi que celui du Travail et de la Sécurité sociale, sans oublier l’Institut national de la formation professionnelle. «En gagnant la confiance du secteur privé, nous avons pu créer des emplois pour les jeunes», relève Olga Tinoco. Cette collaboration a permis d’intégrer le système dual de formation suisse au centre d’apprentissage de l’hôtel Escuela Madrid à Tegucigalpa.

Dans la deuxième phase en cours, 6000 jeunes du District central et des régions du golfe de Fonseca, de La Mosquitia et d’Atlántida devaient trouver un emploi. Un objectif révisé en raison de la pandémie de covid-19. On craint la perte de quelque 350’000 postes et une hausse du chômage de 9,5%. «En raison du confinement décrété par les autorités en mars dernier, nous avons dû développer de nouvelles méthodes pédagogiques pour pouvoir continuer à former les jeunes», précise Olga Tinoco.

Gangrené par la violence

Le nombre de meurtres au Honduras est l’un des plus élevés du monde. En 2019, le pays a recensé 4000 homicides, soit plus de dix par jour, dont 71,5% par arme à feu. En comparaison, la Suisse en a enregistré 207 au cours de la même période. Au Honduras, les victimes sont principalement des hommes âgés de 15 à 44 ans. Il s’agit, dans la plupart des cas, de règlements de compte menés par un tueur à gages. En Amérique centrale, le nombre élevé d’homicides est dû au crime organisé et aux gangs rivaux qui se disputent la contrebande de cocaïne vers les Etats-Unis. Au Honduras, la violence et les conditions de vie précaires ont poussé des milliers de personnes à quitter leur foyer. Le pays compte plus de 250’000 déplacés internes. (lb)

Enixon Daney Bonilla Arias, 23 ans, est apprenti serveur. Il acquiert
une expérience pratique. (© ProJoven)

Formation en ligne

En peu de temps, les responsables de projet ont dû mettre à disposition des plateformes et des outils de formation en ligne. Une tâche pas facile, vu le manque de réseau Internet et d’équipement électronique. La situation a désécurisé les élèves, lesquels souffrent d’isolement et de la récession. «Nous avons réalisé que nous devions leur apporter également un soutien psychologique. Nous avons donc mis en place un service d’aide par téléphone», signale Olga Tinoco.

Cette crise a aussi permis aux jeunes d’acquérir de nouvelles compétences. ProJoven a lancé plusieurs initiatives pour venir en aide à la population. Ainsi, en collaboration avec une entreprise privée et au moyen d’une imprimante 3D, les apprentis ont fabriqué des pièces de rechange pour respirateurs, ainsi que des masques et des lunettes de protection.

Repas au personnel soignant

Une autre idée a été développée dans le domaine de la gastronomie. «Les élèves ont préparé des repas dans les centres de formation et les ont distribués au personnel soignant ainsi qu’aux personnes dans le besoin», indique Olga Tinoco. Et d’ajouter: «Cette expérience a motivé beaucoup d’entre eux à se lancer dans la préparation de repas et la livraison à domicile pour subvenir aux besoins de leur famille.»

La coopération au développement bilatérale en Amérique latine prendra n dans quatre ans. Que restera-t-il du projet? «ProJoven a contribué de manière durable à la modernisation et à l’amélioration de la formation professionnelle. Le projet a également créé des emplois pour les jeunes en collaboration avec le secteur privé», répond Angie Murillo Gough. «Nous avons donné à de nombreux jeunes la possibilité́ de réorienter leur vie. Le projet a aussi permis de prévenir la violence», poursuit Olga Tonoco. Francesco Chinchilla le sait bien: ayant échappé à la délinquance, il est devenu un entrepreneur respectable et un modèle pour sa fille.

Source: www.un-seul-monde.ch. Le magazine de la DDC sur le développement et la coopération. No 1/mars 2021

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