Destruction culturelle: un crime peu pris en compte

A propos du livre intitulé «Damné et annihilé»

par Robert Seidel

(17 juillet 2021) Hermann Parzinger, archéologue allemand de renommée internationale, traite dans son dernier livre intitulé «Verdammt und vernichtet. Kulturzerstörung vom Alten Orient bis zur Gegenwart» [Damné et annihilé. Destruction culturelle de l’Orient de l’Antiquité à nos jours.], traite systématiquement du pillage, du vol et de la destruction des monuments culturels.

On s'émerveille devant des objets d'une époque révolue depuis longtemps. La visite d'un musée peut familiariser le spectateur avec son propre passé ou même avec le passé de l'humanité. Il s'agit parfois d'un discret biface vieux de plusieurs centaines de milliers d'années, parfois d'un calice richement décoré, ou encore de photographies de complexes de bâtiments construits par des civilisations avancées disparues depuis belle lurette.

L'histoire effacée

Quelle est la douleur ressentie lorsque de tels trésors sont pillés, voire détruits? Des objets uniques appartenant à l'histoire de l'humanité disparaissent. Quel doit être le degré de criminalité d'une personne qui commandite le vol de pièces d'un musée dans une zone de guerre? Ceci en sachant que les objets ne sont pas suffisamment protégés et qu'un vol se perdra dans la confusion de la guerre. Pendant la guerre d'Irak, par exemple, les musées ont été systématiquement et méticuleusement pillés, des objets millénaires issus des premières civilisations avancées volés et vendus illégalement.

Activités violentes et criminelles

Le préhistorien de renom Hermann Parzinger tente de décrire ces procédés violents. Lui qui s'occupe, dans le monde entier, des fouilles d’antiques témoignages de la vie humaine, de les étudier et, finalement, de les rendre accessibles au public, a dû constater à maintes reprises que des monuments étaient détruits ou pillés. De telles pertes nous privent d'une partie de notre identité humaine. La destruction du patrimoine culturel représente une intervention radicale dans notre connaissance de nous-mêmes.

Sans manichéisme

Dans sa dernière publication, Hermann Parzinger tente de comprendre plus en détail les motifs et les circonstances de ces destructions culturelles, à l'aide de plusieurs exemples. Pour ce faire, il remonte à l'Antiquité. A l'aide d'exemples choisis, il montre que l'effacement délibéré d'une identité culturelle, le vandalisme pur et simple et l’avidité peuvent être des motifs de destruction et de pillage.

Parzinger décrit les situations initiales de manière très différenciée, afin que le lecteur ne tombe pas dans un manichéisme simpliste, mais sans relativiser les faits eux-mêmes. On apprend, par exemple, que pendant la Réforme, ce n’était pas toujours le même camp qui pillait et volait. Les trésors des églises ont été vendus par les deux camps, souvent pour financer leurs conflits guerriers, indépendamment de leur confession de foi.

Hermann Parzinger décrit les circonstances au temps de la Réforme à Zurich de manière différenciée. Les actions des autorités réformées envers le peuple n’étaient pas déterminées uniquement par des motifs religieux, mais également par des motifs politiques. Pour le lecteur, ces explications sont une lecture profitable permettant de recevoir une vision différente de nombreux événements.

Efforts internationaux pour améliorer les mécanismes de protection

L'auteur emmène le lecteur à travers différents siècles. Outre les bouleversements et les destructions qui se sont produits pendant la Révolution française, il évoque l'émergence simultanée de musées destinés au public. Au bout d'un certain temps, les objets culturels, y compris ceux provenant des autorités détestées, furent déplacés des entrepôts secrets vers des lieux spécialement aménagés (par exemple, dans le palais du Louvre transformé). Grâce à ces musées nouvellement créés, les gens ont pris conscience que ces objets faisaient également partie de leur propre culture.

Le lecteur apprend ainsi comment la conscience moderne du patrimoine culturel est apparue et comment elle a finalement conduit à des efforts en vue de protéger de manière adéquate les biens culturels dans les divers pays. Au cours des 160 dernières années, plusieurs accords internationaux ont été conclus pour protéger les biens culturels dans le monde entier. Face à la poursuite des pillages, Hermann Parzinger réfléchit à l'amélioration des mécanismes de protection internationaux. Il s'agit d'un sujet malheureusement négligé, non seulement parce que, à l’heure actuelle, le caractère unique des cultures est souvent relativisé, mais aussi parce qu'il n'y a plus guère de prise de conscience à ce sujet.

Parzinger, Hermann. «Verdammt und vernichtet. Kulturzerstörung vom Alten Orient bis zur Gegenwart.» C.H.Beck, Munich 2021. 368 pages.

(Traduction «Point de vue Suisse»)