Votations populaires du 13 février 2022

La nouvelle loi sur les médias sera bientôt soumise au peuple

par Thomas Scherr

(7 décembre 2021) Début octobre 2021, le comité «Non aux médias contrôlés» a déposé son référendum contre la nouvelle loi sur les médias et a réuni plus de 110 000 signatures. Le Conseil fédéral a fixé la date de la votation populaire au 13 février 2022.

La nouvelle loi sur les médias adoptée par le Parlement définit la manière dont la Confédération doit, à l'avenir, soutenir financièrement les médias suisses. Les médias imprimés, la presse associative ainsi que les médias en ligne bénéficieront de cette aide. D’après le train de mesures, la distribution postale des quotidiens et des hebdomadaires sera davantage subventionnée. Concernant la presse associative et les médias en ligne, des subventions de plusieurs millions sont prévues. Ce nouveau train de mesures s’étendra sur sept années.

Bien que l'on ait appris dès la mi-septembre que le quorum nécessaire de 50 000 signatures pour le référendum sera largement dépassé, aucune autre information n’a été dévoilée, et ce, malgré un communiqué de presse du comité. Il est intéressant de noter que la plupart des grands médias ont renoncé à informer leur lectorat sur l'aboutissement du référendum. Ils se rangent tous plutôt du côté des partisans de la loi sur les subventions, puisqu'il s'agit de garantir des subventions publiques non négligeables pour leurs entreprises. C'est précisément pour cette raison que leur absence de réaction a laissé une impression quelque peu mitigée, puisqu'ils ont ainsi donné d'une certaine manière raison au comité «Non aux médias contrôlés».

Face à ce succès, la création d'un comité de soutien aux subventions publiques pour les médias ne s'est pas fait attendre. Ce comité réunit de grandes institutions médiatiques telles que l'Association des médias suisses, l'Association suisse des radios privées, Telesuisse, les Radios régionales romandes, l'Ecole suisse de journalisme, Keystone-ATS et le Centre de formation au journalisme et aux médias. Ce comité est également soutenu par un large groupe de parlementaires, principalement issus de la gauche et de la gauche libérale.

Les arguments avancés par les deux camps sont la liberté et la diversité de la presse, deux thèmes qui seraient menacés. Les partisans de la subvention affirment que «les médias sont indispensables à notre démocratie directe. Ils ont une approche critique et fondée des sujets, informent sur des positions et des faits significatifs, parfois dérangeants, et sont donc le fondement des processus démocratiques de formation de l'opinion. Grâce à leur couverture médiatique sur et pour les régions, ils facilitent les débats et contribuent à la cohésion nationale». (Source: https://la-liberte-dopinion.ch/faits/)

Du côté des opposants à la loi sur les subventions, on peut lire: «Le financement de médias privés par l’Etat est inutile et nuisible. C’est un gaspillage de l'argent du contribuable qui met en danger la démocratie et fausse le marché. Ceux qui en profitent sont des magnats des médias et des groupes de presse comme celui du Tages-Anzeiger, Ringier, CH Media ou Hersant Média. Ils n’ont pas besoin de l’argent du contribuable. Les subventions excessives à coups de milliards rendent les médias dépendants du pouvoir politique, les décrédibilisent et les empêchent de jouer leur rôle de quatrième pouvoir». (Source: https://medias-controles-non.ch/principaux-arguments/)

Dans ce contexte, il faut constater que le paysage médiatique actuel est en réalité dominé par une poignée de groupes médiatiques, qui entretiennent notamment des liens étroits avec l'étranger. Ce sont précisément eux qui profiteraient le plus de ces nouvelles subventions. Quoiqu’il en soit, le paysage médiatique suisse se caractérise depuis des années par une monotonie politique croissante. Il suffit de rappeler ici les «reportages de cour» sur certains conseillers fédéraux. Il convient également de rappeler l'intérêt de nombreux parlementaires à être présents le plus souvent possible dans les médias: ils suivent ainsi d’une certaine manière une stratégie de donnant-donnant.

Le paysage médiatique régional et fédéraliste de la Suisse, avec ses plus de 3000 journaux d’horizon divers, n’est plus qu’un vague souvenir. Cette loi sur les médias arrive des décennies trop tard. De plus, ce sont justement les petites publications régionales qui deviendraient rapidement dépendantes de l'Etat avec des subventions. Dans ce contexte, le pluralisme d'opinion et le fédéralisme ne peuvent guère se développer. Si l'on ajoute à cela l'influence de la Société suisse de radiodiffusion et télévision (SSR), l'Etat possède d’ores et déjà suffisamment d'influence sur la formation de l'opinion.

Cette nouvelle loi a également un poids financier, comme le constate le comité «Non aux médias contrôlés»: «Les éditeurs n'ont pas besoin de subventions. Même en 2020, année de la covid-19, les quatre grands groupes de presse ont gagné près de 300 millions de francs. Ce sont eux qui profiteront le plus des nouvelles subventions. Les petits éditeurs eux aussi se portent bien. Aujourd'hui, les groupes de presse privés sont déjà subventionnés à hauteur de 81 millions par an pour leurs stations de radio ou de télévision. Avec le taux de TVA réduit dont elles bénéficient, elles économisent encore environ 130 millions. Si l’on y ajoute les subventions prévues de 178 millions, les médias privés coûteront environ 400 millions par an au contribuable, soit près de 3 milliards sur les sept prochaines années!»

Des efforts similaires pour accorder des subventions aux grandes maisons d'édition sont également entrepris en Allemagne. Mais chez notre voisin, le peuple n'a pas la possibilité d'exercer son influence par la voie de la démocratie directe. Il ne peut qu’observer comment un tapis d'opinion uniforme recouvre de plus en plus le pays.

Engageons-nous pour redévelopper un journalisme indépendant garantissant la diversité des opinions. Celle-ci est indispensable à notre démocratie directe. Or, la nouvelle loi sur les médias privilégie précisément le contraire.

(Traduction «Point de vue Suisse»)

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